Le prieuré de Saint-Martin-des-Champs

Albert Lenoir. Statistique monumentale de Paris. Paris, 1867. Vue cavalière du Prieuré de Saint-Martin-des-champs Dès l’époque mérovingienne (VIe-VIIe siècles), un monastère consacré à Saint-Martin se dresse dans les champs au nord de Paris, le long de l’ancienne voie romaine qui mène à Saint-Denis. Dévasté lors des invasions normandes, il renaît de ses cendres sous le règne d'Henri Ier, qui installe sur ce site des chanoines réguliers, en 1060. Cette collégiale devient prieuré bénédictin en 1079 à la suite de son transfert à la maison de Cluny par le roi Philippe Ier. Saint-Martin-des-Champs connaît alors une remarquable expansion au cours des XIIe et XIIIe siècles. Conforme au modèle bénédictin, le prieuré présentait un cloître autour duquel étaient bâtis église et bâtiments conventuels, ensemble dont il ne subsiste aujourd'hui que l’église, des restes de l’enceinte, la ligne générale du cloître et le réfectoire.

Le réfectoire avant la Révolution

Abbaye de Saint-Martin-des-champs. Élévation latérale du réfectoire : dessin de Jean-Baptiste Lassus. [Bibliothèque nationale de France, Département des estampes et de la photographie, cote RES VE - 53 (D) FOL]Construit vers 1230, le réfectoire du prieuré de Saint-Martin-des-Champs offre des dimensions particulièrement importantes (42,80 m de long pour 11,70 m de large). Éclairée par de hautes baies géminées (6 m) surmontées chacune d'une rosace, la salle est traversée d'est en ouest par sept fines colonnes en perche de pierre de liais (pierre calcaire d'un grain très menu) qui portent deux rangs de voûte à 15 mètres de hauteur. C'est l’extrême minceur de ces colonnes qui donne cette sveltesse aérienne à l’ensemble de l’édifice.

Le porche vu du cloître après la restauration de 1960Quelques éléments viennent interrompre la grande sobriété de l’ensemble : le porche qui, au sud, fait communiquer le réfectoire avec le cloître, possède un riche décor ornemental où dominent des motifs végétaux (feuilles d'acanthe, grappes de raisin, etc.) Mais c'est surtout la chaire du lecteur, faisant saillie sur le mur nord, qui retient l’attention : accessible par un escalier à claire-voie taillé dans l’épaisseur du mur, de forme hexagonale, elle se distingue par l’abondance de sa décoration. Maints autres détails avivent l’ornementation de l’édifice : culs-de-lampe à figures humaines, clefs de voûte à motifs feuillus et chapiteaux à la végétation exubérante.

Longtemps attribuée à Pierre de Montreuil, la paternité du réfectoire n'apparaît plus de nos jours comme certaine. Toutefois, quel qu’en soit le maître, l’architecture de cet édifice témoigne d’un tel degré de perfection que Jean-Aimar Piganiol de la Force déclarait en 1742, à une époque marquée par une violente réaction contre le gothique, que « c'est ce qu'il y a de plus parfait en gothique ».